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Des blindés pour la gloire, des cendres pour la population

Par : Elmano Endara JOSEPH


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Sept nouveaux blindés ont été remis, avec faste et solennité, aux Forces Armées d’Haïti en deuxième samedi de novembre 2025. Un geste d’apparat. Un miroir aux alouettes pour une République dans les poches du CPT, qui, depuis des années, voit ses blindés flamber avant même d’avoir combattu. Entre la rhétorique du renforcement sécuritaire et la tragédie des chars calcinés, se dessine l’image de la parodie d’un État qui donne sans garantir, promet sans protéger — et abdique sa responsabilité au nom d’un patriotisme de façade.


Chaque livraison de blindés en Haïti semble aujourd’hui relever dun rituel spectaculaire et protocolaire : photo officielle, drapeau qui claqué au vent, fierté feinte des uniformes, promesses solennelles d’un ordre renaissant. Mais à peine les caméras éteintes, l’épopée se dissout dans le vacarme des ruelles : les mêmes blindés, flambant neufs, finissent par être réduits en carcasses fumantes dans les quartiers où règne la loi des gangs. Quelle est la stratégie de sécurité messieurs dames ?


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Depuis trois ans, la comptabilité macabre parle d’elle-même : près d’une quinzaine de blindés, acquis à prix d’or, ont été incendiés ou neutralisés par des bandes armées dont l’audace n’a d’égale que l’impunité. Mais combien de territoire reconquis messieurs dames ? Les blindés brûlent. Les discours se répètent. Et puis la nation s’habitue à son propre naufrage. Cette répétition tragique, que d’aucuns appellent fatalité ayitienne, n’est autre que la chronique d’une irresponsabilité d’État devenue institutionnelle.


Les dons, qu’ils viennent de pays amis ou qu’ils sortent du trésor public, s’accumulent comme autant de trophées dans le musée de l’inutilité. Car donner sans bâtir, équiper sans former, armer sans gouverner — c’est offrir au chaos les outils de sa perpétuation. Quid de l'avenir de ces 7 blindés Mezanmi ? L’irrésistible élan de générosité gouvernementale, souvent mise en scène pour redorer le blason du pouvoir, se heurte toujours à la même muraille : l’absence de stratégie, de coordination, et surtout de responsabilité.


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La sécurité nationale ne se restaure pas à coups de blindés flambants neufs, mais par la réhabilitation du sens même de l’État. Or, cet État, aujourd’hui, semble atteint d’une cécité volontaire : il voit les flammes sans percevoir la cause, il compte les pertes sans oser le diagnostic. Les blindés livrés avec pompe finissent comme des torches funéraires, illuminant la faillite d’un système qui confond symbole et substance, action et communication.


Le parallélisme est que d’un côté, les gangs — imprévisibles, mais utilisent le jeu des méthodes du cynisme — transforment le territoire en zone de conquête. De l’autre, les autorités — solennelles mais impuissantes — transforment chaque don en spectacle, chaque échec en protocole. L’État, tel un naufragé en uniforme dépravé, distribue des blindés comme des amulettes, espérant conjurer la peur qu’il n’ose affronter.


La tragédie ayitienne réside là, dans cette tension absurde entre l’irrésistibilité des gestes officiels et l’irresponsabilité des résultats concrets. Car la force d’un gouvernement ne se mesure pas au nombre de chars livrés, mais à sa capacité d’empêcher qu’ils brûlent, et de donner résultats à la population maltraitée. Tant que les blindés continueront de se consumer dans les flammes de l’anarchie des mains invisibles de l'international communautaire, la souveraineté demeurera un mot creux, et la sécurité, un mirage de plus dans le désert des illusions nationales.


L’histoire jugera, non pas la quantité de dons offerts, mais le courage — ou l’absence de courage mesdames messieurs le CPT ou Conseil de perte de temps — de ceux qui avaient le pouvoir d’en faire un usage républicain. En attendant, les blindés flambent. La République tousse. Et puis la scène se rejoue, inlassablement. Un État en représentation, face à un peuple livré au feu. En tout cas.

 
 
 

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