Commencer par punir l'inacceptable…
- elmano endara joseph
- il y a 3 jours
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Par : Mitchel Kewing ÉTIENNE

Dans les couloirs sanglants d’un État en constant hibernation, où l’indifférence règne comme politique d’État, on s'en fout d’une jeunesse en ruine, qui grandit sans repères, sous l’égide de rêves brisés, d’âmes meurtries, de mental malmené par des barriques schizophréniques, huilées de vies ternies, écrasées sous les coups de Koko Makak d’une gangstérisation toujours plus accrue.
L’État regarde, les bras croisés, pendant qu’une génération se noie, privée d’avenir, piétinée par des hommes sans foi ni loi, dans un pays où l’absurde devient normalité, et le chaos, décor quotidien. Ici, l’anormal est banalisé, la douleur normalisée, pendant que les cris s’écrasent contre des murs sourds, et que la République dort sous perfusion de silences complices.
Sans le moindre baratinage, il existe des crimes si atroces qu’ils transpercent la conscience collective, des crimes qui lacèrent l’âme d’une population déjà à vif. Et parmi eux, le viol d’une mineure de 16 ans, placée en garde à vue au commissariat de Saint-Marc, s’impose avec une violence inouïe. Ce n’est pas un simple fait — c’est un séisme moral.
La jeune fille, vulnérable, livrée à elle-même entre les murs d’un commissariat censé garantir sa sécurité, a été trahie de la pire des manières. Vulgarisée, dépouillée de sa dignité, brisée par un homme censé faire respecter la loi, elle a subi l'impardonnable. L’agresseur, policier sans état d’âme, prédateur vêtu d’un uniforme de confiance, est devenu un symbole vivant de cette inversion totale des valeurs où ceux qui doivent protéger deviennent les bourreaux. Un “victimeur” de jupe, comme le système sait en produire.

Dans l’enceinte d’une institution publique, symbole supposé de l’autorité de l’État, l’irréparable s’est produit : la loi s’est retournée contre l’innocence, où l’État a failli à son devoir le plus fondamental — protéger ses enfants.
Par ailleurs, les engagements internationaux d’Haïti demeurent sans équivoque. Gravés à l’encre des traités universels, ils rappellent aux États leur devoir sacré de protection. L’article 19 de la Convention relative aux droits de l’enfant (ONU, 20 novembre 1989) contraint les autorités à préserver chaque enfant contre toute forme d’abus, y compris lorsqu’il est sous la garde directe de l’État ou de ses représentants. L’article 34, quant à lui, interdit explicitement l’exploitation sexuelle sous toutes ses formes. À cela s’ajoute l’article 3 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (ONU, 10 décembre 1948) : « tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne. »
L’horreur, l'atrocité — non, l’abomination — survenue à Saint-Marc n’est donc pas un simple crime, inscrit dans un procès-verbal. C’est une gifle aux engagements de la République, une fracture la morale, une trahison des pactes signés au nom de la justice et de l’humanité. Quand ceux qui portent l’uniforme deviennent les bourreaux, c’est l’État lui-même qui chancelle.
Il ne suffit plus de s’émouvoir dans des communiqués feutrés : il faut juger avec rigueur, réparer avec dignité, et surtout, protéger avec courage. Car l’adolescente violentée dans les murs d’un commissariat ne porte pas seulement le poids de son propre traumatisme — elle porte aussi la honte d’un système qui, au lieu de tendre la main, a fermé les yeux.
Et si ce drame ne suscite pas un sursaut national, que restera-t-il de notre dignité collective ? Un pays se mesure à la manière dont il protège ses enfants, non à la quantité de discours prononcés après l’irréparable. L’heure n’est plus aux silences honteux ni aux procédures creuses. Il faut briser le cercle de l’impunité, nommer les coupables, panser les plaies, et bâtir, pierre par pierre, un État où la justice ne soit plus une promesse en ruine, mais un refuge réel. Car chaque enfant abandonné par la République est un avenir qu’on assassine — et une nation qui s’effondre.







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