top of page

Haïti : la BRH sonne l’alarme sur la dollarisation rampante

Par Elmano Endara JOSEPH


La Banque de la République d’Haïti place l’inclusion financière et le numérique au cœur de sa stratégie nationale, tout en alertant sur les périls de la double circulation monétaire.


La Banque de la République d’Haïti (BRH) tire la sonnette d’alarme. Dans un nouveau document d’information publié en octobre 2025, intitulé « Double circulation monétaire : identification des risques », l’institution monétaire met à nu les menaces systémiques que fait peser la dollarisation sur la stabilité économique du pays.


Sous des mots mesurés, c’est une inquiétude institutionnelle qui transparaît : celle d’une économie nationale qui, depuis plus de trois décennies, peine à parler le langage de sa propre monnaie.


Deux monnaies, un même pays


La double circulation monétaire – usage simultané du dollar américain et de la gourde – n’est plus un simple constat. Elle est devenue une réalité ancrée dans les échanges, les prix, les salaires et même les loyers.


Selon la BRH, ce phénomène naît souvent dans des économies fragiles, où l’instabilité politique, la volatilité des prix et la méfiance des citoyens envers leur monnaie ouvrent grand la porte aux devises étrangères. Dans le cas d’Haïti, les causes sont multiples et cumulatives : inflation récurrente, déficit de production, dépendance aux importations et aux transferts extérieurs, mais aussi décisions légales ayant, à travers le temps, institutionnalisé l’usage du dollar.


La confiance s’est effritée avec la gourde


Tout a basculé avec la fin de la parité fixe, en 1990. De cinq gourdes pour un dollar, on est passé à une spirale de dépréciation quasi continue. Le régime de change flexible, adopté à la même période, a certes offert plus de liberté au marché, mais aussi ouvert la voie à une dollarisation progressive.


Les crises se sont ensuite succédé : la crise financière mondiale de 2008, la pandémie de Covid-19, les secousses politiques, les désastres naturels, la fragilité institutionnelle… autant de coups portés à la valeur de la monnaie nationale.


Résultat : la confiance du public dans la gourde s’est effritée. Les acteurs économiques, en quête de stabilité, se sont tournés vers le dollar, symbole d’assurance dans un environnement instable.


Une monnaie divisée, une politique monétaire affaiblie


ree

Dans son analyse, la BRH est catégorique : la dollarisation limite sévèrement la capacité de la Banque centrale à contrôler la masse monétaire et à maîtriser l’inflation. Elle fragilise la stabilité financière et réduit les marges de manœuvre du pays face aux chocs externes.


Pire encore, elle fait perdre à l’État une partie de ses revenus de seigneuriage — ces bénéfices que tire toute banque centrale de l’émission de sa propre monnaie.


La dollarisation, en somme, n’est pas qu’un symptôme : elle est devenue une maladie structurelle, rongeant à petit feu les fondements de la souveraineté monétaire haïtienne.


Restaurer la valeur de la gourde


Face à cette dérive, la BRH assure avoir déjà entrepris des mesures : facturation des cartes de crédit exclusivement en gourdes, interdiction des prêts à la consommation en dollars, incitations à l’épargne locale. Ces initiatives ont ralenti la dollarisation du crédit, mais pas celle des dépôts, toujours largement libellés en devises américaines.


Pour inverser la tendance, la Banque centrale plaide pour une action concertée : discipline budgétaire, stabilité macroéconomique, gestion prudente de la dette, mais aussi approfondissement des marchés financiers et modernisation des paiements numériques.


L’objectif est clair : redonner à la gourde sa fonction pleine et entière d’unité de compte, de réserve de valeur et d’instrument d’échange.


S’inspirer du monde pour mieux rebâtir


ree

Dans sa conclusion, la BRH évoque les expériences internationales du Vietnam et du Pérou, deux pays ayant su réduire leur dépendance au dollar en rétablissant la crédibilité de leur monnaie nationale.


Haïti, elle, doit tracer sa propre voie. Mais pour ce faire, il lui faut restaurer d’abord la confiance — celle des citoyens, des entreprises et des partenaires financiers.


Car la dollarisation n’est pas qu’un phénomène technique : elle traduit une perte de foi collective en la stabilité du pays.


Et c’est cette foi-là que la BRH, dans sa mise en garde, entend raviver — pour que la gourde, symbole d’identité et de souveraineté, retrouve enfin son souffle au cœur de l’économie haïtienne.

 
 
 

Commentaires


A propos de nous

Contactez-nous

Texte

édia

Faire un don avec PayPal

Suivez-nous

  • Facebook
  • Twitter
  • YouTube

© 2022 Média Texte

bottom of page