Perte de Temps …

Le sablier s’égrène. Et déjà, l’échéance du 7 février s’avance. Implacable, tel un verdict amer attendu. Le Conseil présidentiel de transition, fruit fragile d’un compromis de fortune, arrive au terme de son mandat dans trois mois — sans cap, sans boussole, sans horizon positif possible. Bilan, toujours pas de sécurité, pas de relance économique, mais la cantique des cantiques cantonne : les élections. Qui sait l'avenir ?

     La Caricom, sage entité d’outre-mer qui, d'outre-tombe, malheureusement, marraine d’une transition boiteuse, revient à la charge. Elle écrit, interroge, exhorte. Les « éminentes personnalités » s’enquièrent des intentions des signataires de l’accord du 3 avril 2024 : que faire de ce Conseil dont la légitimité s’effrite et la mission s’étiole ?

    Depuis des mois, l’organisation régionale s’évertue à rallumer la flamme du dialogue — ce mot érodé, galvaudé, vidé de sa substance. Elle prêche la concertation dans un pays qui ne sait plus s'acharner sur les crises. Elle rappelle, avec une patience diplomatique presque biblique, qu’une transition ne saurait être un métier, ni un refuge pour ambitions éphémères.

      Mais rien ne bouge. Le CPT dialogue… avec lui-même. Conseil de Perte de Temps. Ses membres consultent, délibèrent, esquivent. Chacun palabre sur la fin de son mandat comme on parlerait d’un mauvais présage : à voix basse, les yeux ailleurs.

      Le 7 février approche, et le vide s’annonce. Qui prendra la barre lorsque s’éteindra cette présidence collégiale ? Nul ne le sait. Nul ne s’en empare. Les secteurs, tétanisés, recensent le passé sans dessiner l’avenir.

      La Caricom, témoin impuissant d’une lassitude institutionnelle, renvoie chacun à sa conscience. Mais en Haïti, la conscience des politiciens est souvent un luxe, et la responsabilité, une denrée rare.

Alors, le pays s’avance encore — ni vers la lumière, ni vers l’abîme. Simplement, il dérive. Sous l’œil bienveillant, mais las, de ceux qui l’ont vu naître et qui, peut-être, le verront encore tomber dans une profonde transition de Conseil de Perte de Temps (CPT).

Elmano Endara JOSEPH