Budget 2025-2026 : Haïti s’enfonce dans la dollarisation silencieuse de son économie

Le budget 2025-2026 vient d’être publié. Derrière les chiffres et les promesses, un aveu implicite : la gourde n’a plus la main. L’économiste Joseph Harold Pierre parle d’une dollarisation de fait — un glissement économique qui échappe désormais au contrôle des autorités monétaires haïtiennes. Et puis l'on parle de tout, sauf de la production nationale.

Deux tiers des dépôts bancaires sont désormais en dollars. Près de la moitié des retraits aussi. Ce n’est plus une circulation parallèle, c’est un système dual, fissuré jusqu’à l’os. L'ostéoporose de la gourde. Le dollar, jadis étranger, règne aujourd’hui en maître dans les poches et les comptes des Haïtiens.

Haïti, à la différence de Salvador ou de l’Équateur, n’a pas choisi. Elle a glissé, sans décret, sans débat, sous la loi du billet vert. Les opérateurs économiques l’ont adopté comme un bouclier face à une gourde malade, rongée par une inflation chronique qui frôle encore les 30 %. Et puis ça va. Ce silence maladroit. En 2022, elle culminait à 48 %. Depuis, la confiance s’est évaporée.

La BRH s’inquiète, tire la sonnette, parle d’un péril pour la souveraineté monétaire. Mais les faits la contredisent. La masse de dollars en circulation étrangle sa marge de manœuvre. Ses outils – bons du Trésor, interventions de marché, rigueur budgétaire – ne font que retarder l’inévitable.

Pendant ce temps, les sources de devises s’assèchent. Les investissements directs étrangers se limitent à 34 millions de dollars, pendant que la République Dominicaine en engrange dix milliards. Les exportations, elles, se contractent à 875 millions — trois fois moins qu’en 2016. Reste la diaspora. Unique souffle. Unique planche.

Et pourtant, l’économiste Pierre le martèle sans répit : seule une relance productive et une baisse durable de l’inflation sauveront la monnaie nationale. Faute de quoi, la dollarisation cessera d’être une réalité de fait. Elle deviendra, fatalement, une réalité de droit. Et puis la politique tient le dessus de tout. Alors que le gouvernement chute dans son rêve de relance économique. Attendons.

Elmano Endara JOSEPH